[st_divider_shadow] Estratti / Excerpts [st_divider_shadow]

Saphia Azzedine

LA MECCA-PHUKET

LA MECQUE-PHUKET

ISBN 9788887847635

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Sembra che.
Ho sentito dire che.
Poi la gente dirà che.
Ecco più o meno quello che rovina le società arabo-musulmane in generale e il mio palazzo in particolare. Abitavo in un casermone in cui i pettegolezzi facevano da fondamenta e il cemento da cervello. “Che ci vuoi fare…”, ecco il massimo che ti sentivi rispondere. Oltre si sfiorava il blasfemo. Non ci si avventurava mai. Per paura che poi la gente dicesse che.
L’ascensore era spesso in panne ma i chiacchiericci trovavano sempre il modo di gironzolare da un piano all’altro. Di me dicevano che ero una sfrontata, di mia sorella che era una ragazza per bene e di mia madre che lasciava troppo grasso nel tajin di montone. Mio padre, tutto sommato, lo risparmiavano, anche se era l’unico di tutto il palazzo a non essere ancora hajj,[1] il che lo tormentava. Perché i miei genitori avevano un’unica ossessione: fare il pellegrinaggio alla Mecca. Amavo i miei genitori al di sopra di ogni cosa, ma li amavo alla carlona, alla rinfusa, sempre e comunque. Dal loro arrivo in Francia, avevano fatto di tutto per inserirsi nella società. A integrarsi, però, non ci erano mai riusciti. Comunque, viste le facce del vicinato, assimilarsi sarebbe stato troppo rischioso. Meglio non agitare le acque e optare per il folklore: tra il machete di un vicino maliano e la scimitarra di un cugino algerino, non era consigliabile darsi arie da francese. O magari, al loro arrivo, i vicini avrebbero dovuto mescolarsi un po’ di più. E lì, forse che.
Per i troppi grazie che avevano sgranato i miei genitori, io mi ero ripromessa di razionare i miei. Per i no sistematici che si erano sentiti rivolgere, mi ero imposta di dirgli sempre di sì. È così che mi sono lasciata andare, per amore e senso di colpa. I miei genitori avevano la precedenza a destra e a manca, e non si facevano scrupoli a togliermi dei punti quando passavo con il giallo. C’erano regole da non infrangere. Regole-truffa immutabili, capaci di mandare a puttane una vita intera, ma da non mettere mai in discussione, per paura di sollevare polveroni.
Avevo il vantaggio di un’intelligenza pratica, era innegabile, ma la mia stupidità teorica prendeva regolarmente il sopravvento. Trovavo scandaloso indebitarsi per andare alla Mecca, ma trovavo ancora più scandaloso non farlo. E avevo un bel disprezzare la gente che dice che. Vedere mio padre e mia madre sul divano a inebetirsi davanti al canale coranico gravitando virtualmente attorno alla Ka‘ba neutralizzava ogni scintilla di ribellione dentro di me. Loro vincevano senza volere e io perdevo per dovere. Al loro ritorno, li avrebbero onorati con un pontificante hajj o hajja accanto al nome. Finalmente avrebbero potuto andare in giro a testa alta. In fin dei conti non contava nient’altro. La loro felicità annullava la mia e mi faceva contenta.
Quando ho parlato del mio caritatevole progetto a mia sorella Kalsoum, si è affrettata ad annuire. Per lei, il semplice fatto di rifletterci su costituiva già un peccato. Due sì contro zero no, La Mecca vinceva a occhi chiusi.
Perciò era deciso: sarebbero andati alla Mecca, qualunque cosa mi fosse costata.

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Il paraît que.
J’ai entendu dire que.
Après les gens ils vont dire que.
Voilà grosso modo ce qui ravage les sociétés arabo-musulmanes en général et mon immeuble en particulier. J’habitais dans une tour où les racontars servaient de fondations et le ciment de cervelle. « C’est comme ça » était le maximum de la réponse. Au-delà, ça frisait le blasphème. On ne s’y aventurait jamais. De peur qu’après, les gens ils disent que.
L’ascenseur était souvent en panne mais les cancans trouvaient toujours le moyen d’errer dans les étages. On disait de moi que j’étais une effrontée, de ma sœur qu’elle était une fille bien et de ma mère qu’elle laissait trop de gras dans le tagine de mouton. On épargnait plutôt mon père, même s’il était le dernier de tout l’immeuble à ne pas encore être hadj, ce qui l’accablait. Car mes parents n’avaient qu’une obsession : faire leur pèlerinage à La Mecque. J’aimais mes parents au-delà de tout mais je les aimais n’importe comment, en vrac et à perpétuité. Depuis leur arrivée en France, ils avaient tout fait pour s’insérer dans la société. S’intégrer, en revanche, ils n’avaient jamais réussi. Cela dit, vu les tronches dans le voisinage, s’assimiler se révélait trop risqué. Il valait mieux rester couleur locale et ne pas faire de vagues. Entre la machette d’un voisin malien et le sabre d’un cousin algérien, se la jouer petit Français n’était pas recommandé. Ou alors, à l’époque, il aurait fallu un peu plus mélanger les voisins. Et là, peut-être que.
Pour les trop nombreux merci qu’ils avaient égrenés, je m’étais juré de portionner les miens. Pour les non systématiques qu’ils s’étaient vu adresser, je m’étais obligée à leur dire toujours oui. C’est comme ça que je me suis négligée, par amour et par culpabilité. Mes parents avaient la priorité à gauche et à droite, et ils ne se gênaient pas pour m’enlever des points quand je passais à l’orange. Il y avait des convenances à ne pas dépasser. Des convenances bidon et indécrottables, qui peuvent foutre en l’air votre vie entière mais qu’on ne remet jamais en question de peur que l’odeur ne vous achève.
Je jouissais d’une intelligence pratique, c’était indéniable, mais régulièrement ma bêtise théorique prenait le dessus. Je trouvais scandaleux de s’endetter pour aller à La Mecque mais je trouvais encore plus scandaleux de ne pas le faire. Et j’avais beau mépriser les gens qui disent que, voir mon père et ma mère dans le canapé s’étourdir devant la chaîne coranique en gravitant sur place autour de la Kaaba, ça neutralisait la moindre étincelle de rébellion en moi. Ils gagnaient sans le vouloir, je perdais par devoir. À leur retour, on les honorerait d’un pontifiant hadj ou hadja accolé à leur nom. Ils pourraient enfin bomber le torse. Rien d’autre ne comptait finalement. Leur bonheur annulait le mien et ça me rendait heureuse.
Lorsque j’ai parlé de mon charitable projet à ma sœur Kalsoum, elle s’est empressée d’acquiescer. Pour elle, le simple fait d’y réfléchir constituait déjà un péché. Deux oui contre zéro non, La Mecque gagnait les doigts dans le nez.
Donc, c’était décidé : ils iraient à La Mecque quoi qu’il m’en coûte.

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